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Interview de Gregory Lorenzi

À la tête de la direction sportive depuis mai 2016, Grégory Lorenzi fait partie, comme chaque année, des grands artisans du maintien du Stade Brestois en Ligue 1. C’est une 5ème saison d’aFFilée dans l’élite qui se profile pour le natif de Bastia jamais en manque d’énergie pour faire évoluer le club. Pour ce dernier numéro de la saison, il revient sur son rôle, ses motivations et tire le bilan sur cette saison délicate et le maintien acquis dans les ultimes journées du championnat.

© Icon Sport

"Cette saison était riche en émotions"

« Greg, mission réussie, le Stade Brestois reste en Ligue 1…

On a eu un début de championnat délicat mais au final, c’est une très belle saison, riche en émotions. On a fait une 2ème partie de saison incroyable en empochant 29 points ! On peut même arriver à 47 points à l’issue de la 38ème journée. Je félicite tout le groupe, staffs, joueurs, l’intendance et le service communication pour le travail accompli. Je salue également le public qui nous a porté et aidé à atteindre notre objectif. Comme quoi, il ne suffit pas de jouer les premiers rôles pour avoir du monde au stade. On savait que ça allait être une année intense à cause de la reformulation du championnat et ce passage à 18 équipes qui impliquait 4 descentes. Il y a eu beaucoup de pression par rapport à ça. Mais depuis le début, un mini championnat à 8 équipes s’est dessiné en bas de tableau. C’est là qu’il fallait se battre. Et comme chaque saison, il a fallu refaire ses preuves. Mais c’était riche en émotions. Les attentes étaient fortes et j’estime qu'on est encore un jeune club de Ligue 1.


On s’attendait à un début de saison moins difficile…
On terminait l’exercice précédent sur une belle 11ème place, j'étais aussi dans l'optique de me dire qu'il fallait continuer à renforcer l'effectif, justement à ne pas perdre en qualité. Des joueurs ont été sollicités et on a pris la décision de garder nos éléments importants, comme Franck (Honorat) parce qu'on voulait se donner les moyens d'être compétitifs. C'était aussi important de montrer aux joueurs et à notre public qu’on voulait exister cette année dans le championnat. On a aussi changé certaines choses dans nos critères de recrutement, à la demande du staff, pour avoir des joueurs avec plus d'expérience. Il y a eu peut-être de la précipitation sur certains choix. Sur le papier, tout était réuni pour prendre un bon départ.

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

Je ne dirai pas que l’entame de la saison n’a pas été bonne, je pense notamment à la bonne prestation à domicile contre Marseille suivie d’une victoire à Angers. On a quand même montré des choses intéressantes et on a plutôt vu qu'on avait une équipe convenable et surtout qu’on avait notre place dans ce championnat. Et puis, il y a cette claque contre Montpellier. Cette défaite (7-0) a mis beaucoup de doutes dans les têtes. Ça a remis beaucoup de choses en question à travers ça. Quand il y a des moments clés et importants comme ça, il faut prendre du recul et savoir trouver les bons mots pour pouvoir réagir. Je pense que ça n'a pas été le cas avec le staff en place et malheureusement, ça n'a fait qu’empirer.

 

Jusqu’à figurer dernier au classement …
Oui mais nous n'étions pas décrochés sportivement, c’était jouable. C’est psychologiquement qu’il y avait quelque chose de très di  cile à surmonter. Avec le Président, on a alors pris la décision de se séparer du coach et son staff. Une décision diffcile mais nécessaire. C'était la première fois que ça m'arrivait en tant que directeur sportif. Ça a été pourtant un certaine tendance cette saison en Ligue 1… D’accord, mais ce n’est pas quelque chose d’habituel chez nous à Brest. Pour preuve, la saison dernière, on a commencé avec 10 matches sans victoire. Mais j'estimais à ce moment-là que le contenu était plutôt intéressant, qu'il manquait un petit détail et je sentais qu'il y avait beaucoup de positif malgré les résultats. L’état d’esprit était bon, je savais que ça allait tourner à notre avantage.

Pourquoi pas cette fois, selon toi ?

Cela fait suite à des discussions où le discours était di  érent. Quand j’ai entendu : « On n'a pas confiance en les joueurs » ou « Avec ces joueurs-là, on va descendre». Il était vital pour moi de prendre une décision pour le club. Avec le Président, nous avons estimé que c'était la meilleure décision. Il fallait agir tant qu’il était encore temps. Ce n’était pas facile mais c'est le rôle qui veut ça. Ce même staff avait pourtant évoqué en début de saison la qualité de l’effectif et le fait qu’il soit complet dans les temps… Aujourd'hui, avec le recul, je pense qu'on a fait le bon choix. Mais ce n'est pas contre les hommes en question, parfois ça fonctionne, et d’autres fois non.

 

© Icon Sport


La trêve pendant la Coupe du Monde a été bénéfique…

Oui, ça a laissé une respiration. Parce que c’est une chose que je n’avais pas anticipé. Dans mon esprit, quand je pars dans un projet avec un coach, c'est pour aller au bout. J’avais alors un peu de temps pour choisir un nouvel entraîneur, mais je ne voulais pas me précipiter. C’était important pour moi de trouver, au-delà d'un technicien, quelqu'un qui allait réussir à fédérer le groupe, à redonner confi ance à l'équipe. J’ai voulu garder le sta  en place car ils connaissaient parfaitement les qualités de l’équipe et ses défauts. J’en profi te pour remercier le sta  technique et médical d’avoir assumé leurs responsabilités pendant l’intérim, quand nous étions dans le creux de la vague. Il y a eu aussi des échanges avec les joueurs qui estimaient qu’ils n’étaient pas à leur niveau. Quand on voit le Frank Honorat de l'année dernière et celui du début de saison, il y a un fossé. Mais on peut comprendre qu'il ait douté, avec son transfert raté. Alors il a fallu trouver les mots pour remettre tout le monde de nouveau à 100 %. Trouver des leviers pour arriver à se remobiliser. Et c’est là que le profil d’Eric Roy m’est apparu le plus judicieux. Face à cette situation, plus qu’un technicien, c’est d’un manager qu’on avait besoin. Il a eu aussi cette intelligence de comprendre notre stratégie et de vouloir garder les forces avec le staff en place. Cette annonce a quelque peu surpris mais je ne suis pas là pour faire plaisir aux gens. Je l’ai fait en mon âme et conscience pour le bien du club. Je sais que je suis attendu sur ce genre de décision. Je tire mon chapeau aussi aux joueurs parce que ce sont eux qui sont sur le terrain et on a besoin d'eux. Ils ont réussi à se remobiliser et à montrer qu'ils étaient capables d’atteindre l’objectif.

 

Le maintien acquis, on imagine que tu dois déjà te projeter sur le prochain mercato…

Ma priorité va être maintenant de m’entretenir avec le coach. Pour les joueurs, à chaque fois je le fais en collaboration avec mon staff. Je ne fais jamais les choses seul de mon côté, à tort ou à raison. Mais encore une fois, j'estime que le travail doit être collectif. Et la réussite d'un club, ce n'est pas un homme, c'est un ensemble de personnes pour que l’on soit performant. Maintenant des choses sont déjà actées comme la porte de sortie à Franck Honorat ou le fait qu’Haris Belkebla souhaite se projeter ailleurs. Les choses ont été claires de son côté. J‘espère que le public lui rendra hommage pour la réception de Rennes parce que ça peut être son dernier match avec Brest. Même s’il faut savoir que dans le football, on ne sait jamais ce qui peut se passer.

Comment s’effectue ton recrutement ?

À chaque fois, je garde les 2 tiers et je perds un tiers. Ce sont donc des cycles de 3 ans pour regénérer l’effectif. C’est important de garder une ossature à chaque inter-saison et d’avoir déjà une équipe compétitive pour débuter. Sur ce groupe de 18 joueurs, je vais ajouter des joueurs d’expérience, des jeunes de post-formation et puis il y a aussi les paris. Je n’ai pas beaucoup de marge manoeuvre. Je sais qu'il faut qu'on s'améliore sur des postes importants. D’autres qui ont moins joué, le temps de leur adaptation, comme Achraf Dari ou Karamoko Dembélé sont là pour préparer l’avenir.

 

Quels leviers utilises-tu pour attirer les joueurs ?

Déjà, on va commencer à parler de nous car on va enchaîner une 5ème saison en Ligue 1. C’est un gage de confiance et de stabilité. C’est important. Après ce sont mes rapports avec les agents. Qu’ils voient qu’on bosse bien, que le club travaille sérieusement. C’est fondamental pour attirer des jeunes talents. Quand on parle d'un joueur en développement, Brest est pour lui une étape. Et dans cette progression, quand on veut attirer ce genre de joueurs, on doit être aussi capable de bien le vendre. Cela fait partie de notre modèle économique. Quand on fait des ventes, c'est positif pour le club. C'est la réalité des choses, même si le public est parfois déçu de voir partir nos talents.

 

Le côté familial du club fait aussi partie de tes arguments ?

Oui, mais ce n’est pas une priorité pour eux. Le plus important ce sont les infrastructures d’entraînement. C’est leur quotidien, leur lieu de travail. Le centre SICA-Prince de Bretagne répond à leurs attentes. Il y a aussi la ville, sa situation géographique, son climat et les moyens de se déplacer vers l’extérieur avec notamment l’aéroport. Brest est une ville assez méconnue et souvent l’image qui en ressort, c’est notre stade vétuste. Et ça, c’est problématique. Même si on un public extraordinaire, ça ne donne pas une bonne image.

 

Ce projet de nouveau stade serait donc un atout pour le recrutement ?

Totalement. Mais je vais au-delà, c'est une étape vitale pour le club, à tout point de vue. Dans les conditions actuelles, c’est une performance pour le club de pouvoir exister chaque année au plus haut niveau. J'espère que les gens en prennent conscience. Si les Brestois veulent continuer à avoir un club dans l’élite, ça passera par un nouveau stade. C’est évident. Il faut savoir qu'on a une pression de la LFP car notre stade n'est pas conforme aux normes du milieu professionnel. On a énormément de dérogations pour jouer à Francis-Le Blé. Et si elles sont données c’est que nous avons présenté un projet de nouvelle enceinte. Sans ça, elle disparaîtront.

 

Te concernant Greg, ça spécule régulièrement sur ton éventuel départ, comment le vois-tu ?

Pour être honnête, ça fait plaisir quand on entend son nom sortir un peu partout. Mais ce n'est pas ce qui m'anime et ce qui me motive. Ça va être ma 8ème saison en tant que directeur sportif. Je remercie encore une fois les gens qui ont décidé de me faire confi ance. Cette confiance qu’on me donne, je la redonne chaque année dans mon travail et mon investissement. Mais pour moi, rien n'est acquis et j'ai toujours cette même motivation pour être performant. Après, oui j’ai déjà été sollicité par d’autres clubs, mon Président le sait, je suis transparent avec lui là-dessus. Mais moi, je suis plutôt dans un projet humain, avec des gens qui me font confi ance, qui me laissent travailler. Ce que je dis souvent aux joueurs, avec ma propre expérience, on ne sait pas ce qu'on peut trouver ailleurs. Ce n’est pas forcément mieux. Mais au-delà de ça, savourons ce maintien et profi tons de la fête organisée ce samedi à Le Blé.

 

© Icon Sport

2 juin 2023